Le travail de Marc Cramer est tout à fait singulier. Ses photographies, bien que représentant des œuvres architecturales, se détournent de la stricte description visuelle de leur sujet pour se concentrer sur des détails tectoniques et plastiques qui, selon l’artiste, sont les bijoux invisibles de ces grandes constructions. Marc Cramer procède par décomposition de l’image, se dégageant du référent et du poids figuratif de celle-ci, pour reconfigurer une composition abstraite qui se donne alors à voir, en tant qu’image, comme une œuvre autonome. L’exposition présente plus de 60 photographies. Elle est accompagnée de notes de travail et d’une projection restituant la dynamique du déplacement de l’artiste dans les édifices visités et photographiés
Ces photographies sont avant tout des images. Elles se présentent comme des peintures, un peu à la manière de celles de Richard Diebenkorn, notamment sa série Ocean Park. Comme images, elles ne traduisent pas l’espace et le temps de l’architecture. Rien de semblable au réel. Comme l’écrit Claude Esteban à propos des peintres, «l’image est moins un miroir sur le bord du sensible qu’une concentration d’énergies, un réceptacle de forces soudain apréhensibles sous les espèces de la ligne, de la forme, de la couleur, déjouant ainsi les catégories habituelles, immédiatement perçues, de l’espace et du temps». Cependant, ainsi que Marc Cramer aime à le souligner lui-même, si cette démarche de l’œil prend pour objet l’œuvre des architectes, pour la détourner, la transformer, il y a aussi convergence entre la création du photographe et celles des architectes. Le temps, qui prend lieu dans l’image, dialogue en quelque sorte avec l’espace inscrit dans la durée de l’architecture.
Georges Adamczyk Directeur du département d’architecture Faculté de L’aménagement, Université de Montréal